Les étoiles de survie / The guiding stars

PHOTOGRAPHIES, 1998-2003

Les étoiles de survie... sont l'amorce d'une réflexion sur le voyage qui s'inspire du destin hors du commun de certains navigateurs, dont l'existence ne tient plus aujourd'hui qu'aux quelques traces écrites et aux vestiges engloutis par la mer et le sable.

L'exploration de certains mythes fondateurs de l'histoire de la marine, nous rappelle que l'ile de la Réunion et l'ile Maurice furent un temps sur l'une des illustres routes des Indes, peuplées de pilleurs, pirates, commerçants et aventuriers en tout genre...

C'est alors que sont nés, comme les étincelles naissent du frottement des pierres, des récits d'hommes qui ne se fiaient qu'aux étoiles. Des hommes qui, abandonnant tout et rien pour rien et tout, décidèrent de n'avoir de répit qu'en découvrant les dernières terra incognita, ces mystérieuses zones restées blanches sur les cartes de nos géographes d'antan...

Ils formèrent des desseins magnifiques et terribles, d'or et de conquètes.

Hélas, ces terres rêvées ont souvent été le théâtre de l'arrogance humaine, pleine de suffisance et d'impétuosité. Presque toutes les grandes explorations maritimes, auxquelles ont succédé des mouvements de populations, ont abouti des colonisations sanglantes dont nous pansons les plaies aujourd'hui encore. (...)

Yo-Yo Gonthier
Les lanternes sourdes
Editions Trans photographic press, 2004.

 

images/stories/site_yoyo/portfolio/etoiles_de_survie/lapechedenuit.jpg

Yo-Yo Gonthier, La pêche de nuit, Les étoiles de survie, Vietnam, 2004

 

Les étoiles de survie (Guiding stars) is a reflection on voyages of discovery, inspired by the extraordinary destiny of mariners and explorers now remembered only through the odd written fragment and a few more tangible remains, half buried by the sea and the sand.

Maritime history tells us the mythical role Reunion Island and Mauritius played as ports of call on the Spice Route, a route peopled by a motley crew of freebooters, pirates, merchants and adventurers...

And so, like sparks from stones; arose the tales of these men who lived by the stars. Men who had given up everything, allowing themselves no rest in their quest to discover the uncharted terra incognita, these blank spaces on the map at the edge of the world...

They hatched magnificent yet terrible plans for gold and conquest.

Alas, these dreamed of lands too often formed the backdrop for dramas played out in human arrogance and self-seeking pride. Almost without exception, the great voyages of discovery were followed by mass population shifts and colonial bloodletting, leaving wounds which have yet to be healed...

(extracts)
Les lanternes sourdessourdes (Dark Lanterns)
Trans photographic press, 2004.

Sourdes, ces lanternes se font veilleuses pour les aveugles que nous sommes, pour les étourdis qui les confondent avec les vessies de l'agitation productiviste, pour les embarqués du Grand manège ou tourne le capital à la poursuite de lui-même. Paradoxe, que cette photographie ancrée dans la réalité du monde mais libérée de sa prolifération contraignante, de l'injonction de fidélité attachée à toute démarche documentaire. Ici, 1e photographe ne taille pas dans le continuum de la réalité visible. Nul besoin d'élaguer le superflu déjà absorbé par la nuit. Pas de hors champ. Son geste est proche de celui du peintre devant la toile vierge, de l'écrivain face à la page blanche : de l'écran noir de la nuit surgissent des formes qu'il modèle, sculpte au gré de sa lampe-pinceau pour faire émerger le sujet dans sa pureté. A l'attitude soustractive du reporter, il substitue 1e geste constructeur du dessinateur. Nulle hiérarchie entre ces deux positions. Simplement deux dispositions d'esprit, deux types de création, de re-création du monde.

Une recréation née un jour d'un dessin automatique sur un carnet de croquis. On y voit une barque dans la nuit, dressée sur ses tins ; au-dessus, des fils sont tendus, accrochées, comme du linge, quelques étoiles brillent. Des annotations, encadrent ce dessin, comme autant de préceptes destinés à accompagner
le voyageur dans son parcours d'images : Ne pas prendre de raccourcis, Ne pas trop nourrir la tête, sous peine de déséquilibre, Ne jamais perdre de vue les étoiles de survie. Danger de mort.

De ces étoiles-lanternes séchant avant le départ, un monde est sorti. Ce n'est pas le premier : d'autres, très anciens, peuplés de créatures fossilisées, l'ont précédé. Yo-Yo Gonthier est aussi démiurge. Mais, homme discret et posé, artiste méditatif, il ne s'en vante pas.

Silently, the deaf lanterns shed light on the unseeing, on the misguided fools who take them for beacons of our frenzied quest for productivity, on those who ride the great capitalist merry-go-round in eternal pursuit of profit. The curious paradox of this photography so firmly rooted in reality is how free it is from the increasingly common injunction that documentary should limit itself to a faithful reproduction. The photographer does not reach beyond the limits of visible reality. There is no need to prune back what is superfluous as it is already absorbed by the dark of the night. No off-camera here. His approach is similar to that of the painter facing a blank canvas, the writer before the empty page: armed with his torch-paintbrush he sculpts the shapes that emerge from the dark screen that is night, drawing out the subject matter in all its purity. He replaces the analytical approach of the reporter with the synthetic approach of the painter. Both are equally valid: they are simply two different psychologies, two ways of creating or recreating the world.

Extrait du texte de Jean-Christian Fleury
Les lanternes sourdes, éditions Trans photographic press, 2004.

Editions Trans photographic press, 2004.
http://www.transphotographic.com