(extraits)

Yo-Yo Gonthier, Les lanternes sourdes

Editions Trans photographic press, 2004

Textes de Jean-Christian Fleury, Yo-Yo Gonthier

Format 21 x 21 cm
Reliure pleine toile
140 pages et 4 dépliants 3 volets
Impression tout quadri trame 175 + passage vernis, sur papier couché classique satimat 170 g. (images) et Munken Lynx 115 g. (textes et documents).
ISBN :978-2-913176-249
Prix public : 38 euros : Commander le livre

Variations autour de la nuit, dans le monde industriel et fantomatique de la Réunion. Activité et lenteur, temps qui s'écoule et laisse sa trace dans le silence, l'empreinte urbaine de l'homme est ici engagée dans un combat à l'issue incertaine qui l'oppose au magnétisme brut d'une nature mystérieuse. Olivier Marboeuf

Sourdes, ces lanternes se font veilleuses pour les aveugles que nous sommes, pour les étourdis qui les confondent avec les vessies de l'agitation productiviste, pour les embarqués du Grand manège ou tourne le capital à la poursuite de lui-même. Paradoxe, que cette photographie ancrée dans la réalité du monde mais libérée de sa prolifération contraignante, de l'injonction de fidélité attachée à toute démarche documentaire. Ici, 1e photographe ne taille pas dans le continuum de la réalité visible. Nul besoin d'élaguer le superflu déjà  absorbé par la nuit. Pas de hors champ. Son geste est proche de celui du peintre devant la toile vierge, de l'écrivain face à la page blanche : de l'écran noir de la nuit surgissent des formes qu'il modèle, sculpte au gré de sa lampe-pinceau pour faire émerger le sujet dans sa pureté. A l'attitude soustractive du reporter, il substitue 1e geste constructeur du dessinateur. Nulle hiérarchie entre ces deux positions. Simplement deux dispositions d'esprit, deux types de création, de re-création du monde.

Une recréation née un jour d'un dessin automatique sur un carnet de croquis. On y voit une barque dans la nuit, dressée sur ses tins ; au-dessus, des fils sont tendus, accrochées, comme du linge, quelques étoiles brillent. Des annotations, encadrent ce dessin, comme autant de préceptes destinés à accompagner
le voyageur dans son parcours d'images : Ne pas prendre de raccourcis, Ne pas trop nourrir la tête, sous peine de déséquilibre, Ne jamais perdre de vue les étoiles de survie. Danger de mort.

De ces étoiles-lanternes sachant avant le départ, un monde est sorti. Ce n'est pas le premier : d'autres, très anciens, peuplés de créatures fossilisées, l'ont précédé. Yo-Yo Gonthier est aussi démiurge. Mais, homme discret et posé, artiste méditatif, il ne s'en vante pas.

Silently, the deaf lanterns shed light on the unseeing, on the misguided fools who take them for beacons of our frenzied quest for productivity, on those who ride the great capitalist merry-go-round in eternal pursuit of profit. The curious paradox of this photography so firmly rooted in reality is how free it is from the increasingly common injunction that documentary should limit itself to a faithful reproduction. The photographer does not reach beyond the limits of visible reality. There is no need to prune back what is superfluous as it is already absorbed by the dark of the night. No off-camera here. His approach is similar to that of the painter facing a blank canvas, the writer before the empty page: armed with his torch-paintbrush he sculpts the shapes that emerge from the dark screen that is night, drawing out the subject matter in all its purity. He replaces the analytical approach of the reporter with the synthetic approach of the painter. Both are equally valid: they are simply two different psychologies, two ways of creating or recreating the world.

Extrait du texte de Jean-Christian Fleury
Les lanternes sourdes, éditions Trans photographic press, 2004.

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